20 mars 2020: Pour éviter la propagation du coronavirus, le gouvernement de la Polynésie française suit les directives de l'État français: séquestration pour toute la population, avec l'interdiction de toute activité nautique.
Ici, sur l'île de Moorea, face à Tahiti, vivre au bord de la mer signifie que l'océan borde littéralement mon jardin. Malgré l'interdiction de la baignade, je continue de vivre en pratiquant mon activité physique préférée: l'apnée. L'appel du grand bleu est plus fort que l'interdiction administrative.
28 mars 2020: La police me trouve dans l'eau, devant ma maison et me verbalise. Je suis abasourdi, car je pense que le virus n’est pas très présent sur le territoire. Le choc est aussi surprenant que la déclaration selon laquelle nager à quelques mètres de mon jardin est une violation de la loi. Dès lors, l'enfermement a pris une autre tournure pour moi, l'atmosphère liberticide aggravée par l'épidémie de dengue déjà présente depuis plusieurs mois.
Ainsi mon lieu de refuge va de la mer à mon lit, le seul endroit de la maison équipé d'une moustiquaire. Au fil des jours, je sens la mer m'appeler et je la veux de plus en plus. À tel point que le confinement devient lourd, oppressant et brûlant.
Le corps ne pouvant plus s'échapper, seule la pensée semble atteindre la liberté dans le rêve. Rêver de plonger.
March 20, 2020: To prevent the spread of the coronavirus, the government of French Polynesia is following the directives of the French State: compulsory confinement for the entire population, with the prohibition of all nautical activity.
Here on the island of Moorea, opposite Tahiti, living by the sea means that the ocean literally borders my garden. Despite the prohibition of swimming, I keep on living through practicing my favorite physical activity: free diving. The call of the big blue is stronger than the administrative ban.
March 28, 2020: The police find me in the water, in front of my house and rebuke me. I’m stunned, because I believe that the virus is not very present on the territory. The shock is as surprising as the pronouncement that swimming a few meters from my garden is a violation of the law. From then, confinement took another turn for me, the liberticidal atmosphere compounded by the dengue epidemic already present for several months.
Thus my place of refuge goes from the sea to my bed, the only place in the house equipped with a mosquito net. As the days go by, I feel the sea calling me and I want it more and more. So much so that confinement turns heavy, oppressive and searing.
The body no longer able to escape, only thought seems to achieve freedom in dreaming. Dreaming of diving.
Je continue à profiter de la mer, ou plutôt de son image, à travers la capture photographique quotidienne depuis mon lit; une forme de compensation pour la perte.
Je me concentre d'abord sur la mer et ma plage, si interdites. Au fil du temps, ce littoral semble s'éloigner et l'idée d'approcher l'eau se perd dans une brume dense et impénétrable. Il ne me reste plus, à moi spectateur, que ma moustiquaire, une barrière fragile contre les virus nanoscopiques, si agressifs mais libres.
Cependant, grâce à ces fléaux, en entendant les nouvelles de toute la planète, le monde semble enfin se réveiller. La conscience humaine se tourne vers l'essentiel.
29 avril 2020: Contre toute attente, le confinement est levé. La propagation du virus est sous contrôle. Le nouveau monde promis par tous peut enfin prendre forme.
Pour moi, ce 29 avril, le monde cesse d'être uniquement photographique. Ces images expriment la perte d'un paradis dont je jouissais autrefois de la précieuse beauté sans en avoir vraiment conscience.
I continue to enjoy the sea, or rather its image, through daily photographic capture from my bed; a form of compensation for the loss.
My focus is first on the sea and my beach, so forbidden. As time goes by, this seashore seems to be moving away, and the idea of approaching the sea is lost in a dense, impenetrable mist. All that remains for me, the spectator, is my mosquito net, a fragile barrier against the nanoscopic viruses, so aggressive but free.
However, thanks to these scourges, hearing the news from the whole planet, the world seems to wake up, at last. Human consciousness turns to the essential.
April 29, 2020: Against all expectations, the confinement is lifted. The spread of the virus is under control. The new world promised by all can finally take shape.
For me, this April 29, the world ceases to be only photographic. These images express the loss of a paradise whose precious beauty I once enjoyed without having a real awareness of it.